(en attendant de faire de l’Art)
Arnaud dort encore, et profite des minutes qu’il reste. Je dois réveiller Axelle et Basile, ils ont du mal à se lever, hier gros câlin dans le lit, j’étais à Paris, on ne s’est pas vus pendant 1 semaine (projet collectif 6bis, Vitry sur Seine). En passant, dans la chambre vers la salle de bain, je vois des animaux miniatures qui se reflètent dans la glace et qui se comparent à moi. Des ombres s’interseptent ; on dirait un paysage, un décor fait pour moi ou pour d’autres (sans titre, 93 montagnes en terre glaise, Fort du Bruissin, Francheville, villes invisibles, maquettes et simulation, modules, diorama). Je me passe un coup de peigne dans le clair-obscur du matin, je ne vois pas les défauts ni les reliefs (nuit américaine, série, dessins à la pierre noire, 2009, le livre des merveilles, 65 dessins A3).
Je prépare ensuite le petit déjeuner, il n’y a plus de pain. Biscotte, beurre, confiture ou biscotte, beurre, miel ou galette, beurre confiture ou galette, beurre, miel ou miel petit suisse avec galette à côté ou avec confiture… bref, avec les 5 éléments il y a de quoi faire 25 combinaisons. (bad today, better tonight ou une fuite en 3 actes, Les Abattoirs, Toulouse ou sans titre, 93 montagnes en terre glaise, Fort du Bruissin, Francheville).
Le regard vague, nous discutons de la nuit et des rêves qu’on a fait ; pas de rêve pour moi, mais des bribes de choses et d’images pour les enfants. Ça s’entremêle et se connecte. Une histoire s’echaffaude, déjà écrite (le livre des merveilles, en projet, Astérides Marseille, Ce n’est pas une bonne nuit pour une personne comme vous, vidéo, résidence Astérides, Marseille, avec Aurélie Haberey). Je leur raconte que Clitous reviens de new-york et que tout est building, grand et photogénique. Vivre à l’intérieur d’une carte postale… et construire n’importe quel film ou roman (cascades_falls-water.jpg, Exposition de noël, Le Magasin de Grenoble ou ce n’est pas une bonne nuit pour une personne comme vous, vidéo, résidence Astérides, Marseille, avec Aurélie Haberey).
Bon, il faut y aller les enfants ! On s’habille, on se débarbouille et on se coiffe, même rituel tous les matins, (playtime volet 1, performance, Epicerie Moderne de Feyzin, playtime volet 2, résidence Astérides, Marseille) et on y va. Trottinette pour Axelle et poussette pour Basile. On passe à travers les saules pleureurs, on se fait des slalums des courses poursuites, de vrais petits animaux dans la forêt (le loup, vidéo couleurs, son, 2008, 8’31’’) On se dépêche, en retard. Je pense à la journée et à tout ce qu’il reste à faire avec papy.
Quand vais-je pouvoir faire de l’art ?
Matt Coco, septembre 2009
Entretien avec Matt Coco
Entre les différentes expositions existe un jeu d’agencement d’éléments réutilisés…
En effet, c’est un fonctionnement quasi-récurrent dans ma démarche, apparu en 2003, suite à la Biennale d’Art Contemporain de Lyon. Quelle dialectique entre l’oeuvre et le spectateur, les réalités d’une oeuvre ? Car nous fonctionnons en tant qu’artiste en termes d’échos (aux oeuvres des autres, aux mondes…).
Lors de cette biennale, les pièces exposées s’agençaient comme autant de décors de cinéma ou de théâtre : à partir de leurs énoncés, de mes souvenirs, j’ai redessiné toutes les oeuvres. Bien évidemment le résultat fut totalement différent des originaux et je me retrouvais avec autant de pièces inédites et personnelles. Malgré tout c’était une réalité possible des travaux de l’ensemble de ces artistes, Oeuvres qui étaient et n’étaient pas miennes en même temps.
La rencontre la plus forte a été celle avec Classique, de Didier Marcel. Il s’agit d’une voiture DS, dirigée vers une source de lumière naturelle, entourée de cyprès artificiels qui tournent sur eux-mêmes et d’une maquette d’architecte posée sur un socle haut. Cette pièce a comme sujet principal la peinture. La peinture classique. Partant du dessin de cette oeuvre, fait d’après souvenir, j’ai décidé de le réaliser en volume et l’ai titré Néo-Classique. Le souvenir que j’avais de Classique était malgré tout partiel et a donc donné naissance à une image de voiture (sorte de voiture/jouet à échelle 1 ou presque), à 4 cyprès et non 6, et un personnage sous la voiture dont la présence est totalement mystérieuse. J’ai déplacé la source électrique et l’ai figurée par une ampoule allumée et placée entre les jambes du mannequin. De là, une oeuvre nouvelle et inattendue (bien que teintée de préoccupations bien personnelles) est apparue dans mon paysage artistique et j’ai pu l’interroger de différentes manières (contextes d’exposition différents, construction et déconstruction, monstration horizontale et verticale…).
Le titre de Néoclassique est un jeu de temporalité, qui sous-entend parler d’un temps postérieur à Classique de Didier Marcel ― affirmant donc sa source d’inspiration. Étant réalisée, comme à mon habitude, en matériaux pauvres, se rapprochant de maquettes d’oeuvres, j’ai imaginé qu’elle était la pièce préparatoire à Classique et ai remis en question les origines de la pièce de Didier Marcel. (…) Cela a été fondateur dans ma démarche. Une fois réalisée, Néo-Classique est devenue le pivot de mon travail, il a fallu que je la décortique comme pour en connaître tous les mystères, toutes les possibilités… et je suis partie de celle-ci pour imaginer des personnages. Allant dans ce contexte, j’ai utilisé de manière indépendante cette image de cyprès (en réalisant des installations de 40 à 50 cyprès) formant parfois une forêt entière. Partant d’elle, tout était possible et à faire.
Mes travaux sont conçus avec un potentiel inhérent de modifications qui peuvent survenir. Et leur ensemble peut se voir comme un livre en train de s’écrire dont on n’aurait pas encore la fin de l’histoire. Histoire qui se construit et s’estompe au fur et à mesure des expositions.
Quelle pièce présenteras-tu à tout-EN-cours ? Pourquoi ce choix ?
Cascade_falls-water.jpg, qui est à la fois maquette d’un projet que je souhaite présenter et projet à part entière (maquette comme pièce). Il s’agit de l’image d’un élément naturel, très cliché, très carte postale : d’une cascade. Partant du fait qu’une image est une représentation abstraite du monde qui n’a de concret que son support, cette image que j’aurai pixellisée au préalable sera simulée par des petits carreaux de plexiglas agencés les uns avec les autres de manière à recréer l’illusion de la pixellisation qui déconstruira ce paysage idyllique devenu complètement abstrait. Cette structure partira d’étagères qui remplaceront les rochers et se déversera sur le sol. Ce rapport à l’illusion de la matière comporte des préoccupations fortes liées aussi à la peinture. Et à la littérature. Pour cette pièce en projet, je me suis inspirée d’un roman de Kurt Vonnegut, le berceau du chat, qui prend appui sur la réalité (bombe atomique et son inventeur) pour inventer un scénario-catastrophe, où l’un des produits inventés gèlerait l’eau et propagerait cet état.
Or, Les morts ou presque, exposition au Centre d’Art de Gênas, s’agençait autour de l’esthétique (très médiatique) de la catastrophe naturelle ou chimique. On retrouve le jeu d’agencements, de rebondissements… Le moment de tout-EN-cours en sera une première proposition. L’idée qu’une pièce donnée à voir au spectateur puisse être ensuite modifiée, m’intéresse grandement et répond, il me semble, aux intentions premières de Leslie dans ce format de tout-EN-cours.
Le statut de cette pièce sera fragile et éphémère, cristallisera notre rapport au temps présent ce soir-là. Malgré tout il n’est pas exclu qu’elle puisse apparaître dans une installation comme un élément fondamental… Alors réalisée plus tard dans des dimensions plus grandes, avec des matériaux bien spécifiques, donc dans l’idée d’une pièce terminée : il est tout à fait possible que la maquette et sa réalisation apparaissent un jour dans cette idée de confronter les réalités d’une oeuvre.
Donc pas de film ici… Pourtant ta pratique sculpturale semble s’articuler aussi fortement avec ce médium. Comment, à cette intersection, se joignent-t-ils ?
Le médium film est arrivé dans mon travail avec cette rencontre avec Aurélie Haberey. Finalement il ne serait peut-être jamais apparu sans cela… Mon propos de départ est de parler de film, ce qui est toujours présent dans mes installations. Ou de construire un film sans caméra ni pellicule. À l’instar de Pierre Huyghe qui construit les espaces-temps manquants (correspondant à des plans de coupe ou des raccourcis temporels) de films cultes, je travaille le temps « pause » ou « arrêt sur image » dans mes installations. Il est d’ailleurs souvent question de séquences, de plans arrêtés, qui proposent au spectateur de réfléchir sur l’instant en s’interrogeant sur sa temporalité (moment passé, en train de se faire ou à venir).
Les installations peuvent être des sculptures autour desquelles le spectateur peut tourner et ramener donc la sculpture à l’objet (accessoire) ou encore peuvent être un élément environnemental en image arrêtée – donc qui peut être relié à un contexte et à un temps. L’ambiguïté et le doute restent présents et c’est cette fine frontière entre environnement et sculpture qu’il m’intéresse de travailler : reprendre des éléments d’une exposition et les réutiliser dans une autre, me permet de modifier leur statut et de passer donc de l’un à l’autre (sculpture / environnement). Ces éléments peuvent aussi être des traces. Traces d’événements, de passages ou de lieux en préparation. Le statut de l’indéfini est au centre de mon travail. Car tout est possible ou reste à construire.
Il n’y a pas de logique de temps, pas de progression, mais sans cesse des retours en arrière, des déambulations dans un espace proche de l’espace mental qui ferait fi de toute logique. Les pièces montrées d’abord en maquette ont un statut d’objets, d’espaces potentiellement expérimentables (projectif) dans un temps futur. Quand elles sont ensuite réalisées, elles offrent alors un environnement concrètement expérimentable. Par exemple : Néo-classique, prenant comme statut celui d’une maquette réalisée a posteriori, Le loup qui est un film utilisant une installation comme terrain de jeux, de narrations possibles.
De ce fait, et pour en revenir au film et à la place des vidéos dans mon travail, il s’agit davantage d’un espace d’expérimentation qui utilise des codes narratifs souvent créateurs d’intrigues et de frustrations. Il ne s’agit jamais de donner une réponse ou une chute à une histoire qui commence. Il s’agit souvent d’un début ou d’une séquence en boucle qui rejoue les mêmes enjeux (qui est le personnage ? qui poursuit ou est poursuivi ? où sommes-nous ? …) Le spectateur est ainsi un réceptacle à toutes ces interrogations sans réponse. Les films sont des images pouvant faire référence à une multitude de situations (vécues, filmiques) et sont parfois la synthèse de bons ingrédients contenus dans des films à suspense.
Ces vidéos peuvent être rapprochées de la peinture dans le sens où elles sont une succession d’images choisies pour leur côté graphique ou pictural. La peinture est le médium par lequel j’ai commencé et il est aujourd’hui presque absent de mes travaux. Le dessin est important dans les installations mais ne semble pas aujourd’hui encore avoir trouvé sa place. Peut-être peut-on voir dans le film ce lien à l’image peinte ou dessinée le ramenant à la 2D.
Propos recueillis par Anne Kawala
Entretien réalisé dans le cadre de Tout-EN-Cours # 2
1) excusez-moi d’arriver ainsi sans m’annoncer
2) j’adore faire le café
3) je me souviens de l’eau si chaude
4) je ne fais rien
5) j’apprends mes répliques
6) j’aimerais être là bas
7) je résiste
8) j’apprends mes répliques
9) j’adore boire le café
10) je…
ESSAI
Souvenirs d’une image de jour
02 septembre 2006
ESSAI
Souvenirs d’une image de jour
Technique littéraire inventée par les écrivains grecs classiques pour transmettre des clés ou messages secrets dans les œuvres. Elle consiste à répéter des métaphores ou des mots qui, isolés par un lecteur averti, forment une idée ou une image…
EXPO
Eidesis
02 septembre 2006
EXPO
Eidesis